Uniformes de l’infanterie saxonne en 1745, par Gilles Boué

Une série de planches d’uniformes de l’infanterie saxonne en 1745 créée par Gilles Boué.

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Uniformes de l’infanterie saxonne en 1742, par Gilles Boué

Une série de planches d’uniformes de l’infanterie saxonne en 1742 créée par Gilles Boué.

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Les principales batailles des Guerres d’Italie (1494-1549), par David Coulon

La Bataille de Pavie, tapisserie en sept pièces tissées entre 1525 et 1531 par Bernard van Orley.

BATAILLES DATES ADVERSAIRE 1 ADVERSAIRE 2 VAINQUEUR
SEMINARA 28 juin 1495 Robert Stuart duc d’Aubigny :

1.200 gendarmes, 3.000 Suisses, 4.200 arbalétriers, 2.000 piquiers et 10 pièces d’artillerie

Roi Ferrante II et Gonsalvo de Cordoba :

1.200 hommes d’armes 1.050 arbalétriers, 2.000 piquiers, 1.050 épéistes, 1.050 arquebusiers et 5 pièces d’artillerie

Les troupes françaises mettent facilement en déroute les alliés
FORNOVO 6 juillet 1495 Roi de France Charles VIII, maréchal de Gie, comte de foix :

950 gendarmes, 300 arbalétriers Gascons, 4.800 arbalétriers Français, 200 archers, 3.000 piquiers Suisses et 10 pièces d’artillerie

Marquis de Mantoue, comte de Caiazzo, Pietro Duodo :

1.850 hommes d’armes, 600 stradiotes, 1.000 archers Milanais, 2.000 lansquenets, 800 arbalétriers à cheval, 8.000 arbalétriers, 500 cavaliers légers et 10 pièces d’artillerie

Charles VII repousse les attaques des alliés Italiens qui perdent 3.300 hommes dans l’affrontement
BARLETTA Juillet 1502 Louis d’Armagnac, Duc de Nemours :

1.000 gendarmes, 3.000 piquiers Suisses, 2.300 piquiers Gascons, 1.500 archers Écossais, 2.100 arbalétriers Gascons et 15 pièces d’artillerie

Gonsalvo de Cordoba :

600 hommes d’armes, 1.000 cavaliers légers, 3.400 piquiers, 2.500 arquebusiers, 2.700 épéistes et 10 pièces d’artillerie

Les Espagnols mettent en déroutent l’armée Française
CERIGNOLA 21 avril 1503 Louis d’Armagnac, Yves d’Alegre :

600 gendarmes, 500 stradiotes, 4.000 piquiers, 5.000 arbalétriers Gascons et 20 pièces d’artillerie

Gonsalvo de Cordoba :

100 hommes d’armes, 6.000 arquebusiers, 1.000 cavaliers légers et 20 pièces d’artillerie

Victoire des Espagnols
CARIGLIANO 29 décembre 1503 Ludovic, Marquis de Saluces :

1.050 gendarmes, 500 stradiotes, 6.000 arquebusiers/piquiers, 1.000 piquiers Normands, 8.000 piquiers Suisses, 2.500 arbalétriers Gascons et 10 pièces d’artillerie

Gonsalvo de Cordoba :

500 hommes d’armes, 500 jinetes, 4.000 arquebusiers/piquiers Italiens, 1.000 stradiotes, 8.000 arquebusiers/piquiers Espagnols

Victoire des Espagnols
AGNADELLO 14 mai 1509 Le roi de France Louis XII :

900 gendarmes, 500 cavaliers Italiens et Français, 3.000 arbalétriers Gascons, 8.000 piquiers Suisses et 20 pièces d’artillerie

Comte de Pitigliano :

1.700 hommes d’armes, 3.000 stradiotes, 15.000 arquebusiers/piquiers Italiens, 2.000 soldats de la Milice italienne, 3.000 piquiers et 10 pièces d’artillerie

Victoire éclatante des Français
RAVENNE 11 avril 1512 Gaston de Foix, maréchal de la Palice, Yves d’Alègre :

1.980 gendarmes, 300 arquebusiers à cheval, 600 arbalétriers à cheval, 800 stradiotes, 6.000 arbalétriers/piquiers Italiens, 3.000 piquiers Picards, 5.000 lansquenets, 3.500 arbalétriers Gascons et 20 pièces d’artillerie

Gonsalvo de Cordoba, Fabrizio colonna :

2.250 hommes d’armes, 900 arquebusiers à cheval, 800 jinetes, 2.000 piquiers du Pape, 8.000 arquebusiers/piquiers Espagnols et 30 pièces d’artillerie

Les Français sont victorieux mais Gaston de foix est tué dans la bataille
NOVARA 6 juin 1513 La Tremouille, duc de Florence :

950 gendarmes, 1.000 stradiotes, 4.000 arbalétriers, 6.000 lansquenets et 10 pièces d’artillerie

Maximilien Sforza, duc de Milan :

200 hommes d’armes, 9.000 Suisses, 200 arbalétriers et 10 pièces d’artillerie

Victoire du duc de Milan qui met en déroute l’armée française
MARIGNAN 13 septembre 1515 Le roi de France François Ie , les ducs d’Alençon, de Guise, de Bourbon :

1.500 gendarmes, 9.000 lansquenets, 4.000 piquiers Français, 500 cavaliers légers et 30 pièces d’artillerie

Maximilien Sforza, duc de Milan :

500 hommes d’armes, 12.000 Suisses et 20 pièces d’artillerie

Victoire du jeune roi de France
LA BICOCQUE 27 avril 1522 Odet de Foix, duc d’Urbino, Arnold Winkefried, Albert von Stein :

1.000 gendarmes, 400 hommes d’armes Italiens, 8.000 Suisses, 6.000 Italiens, 6.000 arbalétriers Français, 3.000 arquebusiers Italiens, 300 arquebusiers à cheval et 30 pièces d’artillerie

Prosper Colonna, Antonio de Layva, Francesco Sforza duc de Milan, von Frundsberg :

2.000 arquebusiers/piquiers Espagnols, 800 hommes d’armes, 8.000 lansquenets, 1.000 jinetes, 2.000 arquebusiers Espagnols, 1.500 arbalétriers Milanais et 35 pièces d’artillerie

Victoire espagnole
PAVIE 24 février 1525 Le roi de France François Ie , duc d’Alençon, duc de Florange, Charles Brandon :

900 gendarmes, 4.000 Suisses, 4.500 lansquenets, 2.000 arquebusiers/piquiers Italiens, 2.000 arquebusiers/piquiers Français, 500 cavaliers légers et 50 pièces d’artillerie

Fernando d’Avalos, Alfonso d’Avalos, duc de Bourbon, von Frunsberg :

800 hommes d’armes, 6.000 piquiers, 8.000 lansquenets, 200 jinetes, 3.000 arquebusiers et 15 pièces d’artilerie

Défaite désastreuse pour les Français
CERESOLE D’ALBA Juin 1544 François d’Enghien :

900 gendarmes, 600 cavaliers légers, 6.400 piquiers, 6.600 arquebusiers et 15 pièces d’artillerie

Marquis del Vasto :

200 hommes d’armes, 12.000 piquiers, 800 cavaliers légers, 6.000 arquebusiers et 15 pièces d’artillerie

Victoire des Français

Bataille de Pavie, artiste flamand inconnu

Uniformes espagnols pendant la Guerre de Sept ans, par Gilles Boué

Une série de planches d’uniformes espagnols pendant la guerre de 7 ans créée par Gilles Boué.

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Les Azteca-Mexica de Technochtitlan, (1325-1521), par Damien Duhamel

Les neuf souverains aztèques :

Qui étaient les Aztèques ? Se définissant eux-mêmes comme une tribu Chichimeca (« peuple chien », équivalent aux barbares pour les Grecs) originaire d’une cité légendaire nommée Aztlan, ils s’appelaient en fait les Mexica (prononcer Méschica). Derniers arrivés d’une vague d’envahisseurs de langue Nahuatl, ils s’étaient établis vers 1325 sur le bord marécageux de la vallée des lacs, au centre du Mexique actuel. Ces chasseurs-cueilleurs nomades devinrent rapidement des paysans sédentaires. Par un habile système de drainage et de digues, allié à la pratique des chinampa (tchinammpa « jardins flottants »), ils réussirent à transformer leur ville, Tenochtitlan, en une île-forteresse aisément défendable. Leurs débuts modestes expliquent les constantes que l’on trouvera tout au long de leur histoire : une organisation politique de plus en plus centralisée mais respectant toujours une conception clanique du pouvoir, une société stratifiée et pyramidale où le travailleur ne se distingue pas du guerrier et la revendication d’un héritage culturel d’une civilisation disparue, celle des Toltèques. Les vingt calpulli (« communauté » correspondant au clan) avaient chacun à l’origine une direction bicéphale, avec un Tecuhtli « chef de guerre » et un Calpullec « chef civil », assistés d’un conseil des anciens (Ueuetque, ouéouétkwé). Ce dernier avait de multiples compétences : il garantissait les lois tribales, enregistrait les mariages, assurait la justice, présidait les cérémonies religieuses et élisait les chefs du clan, aux pouvoirs militaires et civils. Chaque calpulli possédait les prêtres de son dieu tutélaire, son temple, ses écoles, etc… De plus, la propriété de la terre restait collective bien que des parcelles étaient allouées aux membres du clan pour une exploitation individuelle, ceci afin d’éviter des transferts ou achats par des groupes extérieurs.

Une cinquantaine d’années suffirent à réformer l’organisation tribale pour qu’elle cadre plus efficacement avec la sédentarisation des Mexica  et l’hostilité de leurs voisins, en état de guerre permanent. D’une part ils se dotèrent d’un pouvoir centralisé, avec un premier chef suprême, l’Uey Tlatoani  (« Orateur Vénéré ») Acamapichli qui régnera jusqu’en 1396. D’autre part, il créèrent quatre districts administratifs (pas nécessairement géographiques) de cinq calpulli chacun et réorganisèrent les calpulli eux-mêmes pour leur donner une structure hiérarchique. La noblesse se trouva à la tête des calpulli dominants de chaque district, les deux membres le plus influent de chaque district se joignant au conseil du Uey Tlataoni, sous les mêmes titres de Calpullec et Tecuhtli. Par la suite, la haute noblesse proche de ce qui allait devenir un empereur ne se retrouva même plus que dans les 2 calpulli dominants du district principal (10 familles environ), avec par exemple le Ciuacoatl (« femme-serpent » siouakoatl) conseiller proche et substitut du Uey Tlatoani en temps de guerre. Autre exemple, dans les calpulli non nobles, c’est le quartier de Pochtlan qui donna son nom en 1407 à la profession de négociant itinérant des Pochteca, promise à un bel avenir.

Néanmoins, la position des aztèques restait précaire : la faiblesse de leur agriculture, leur statut de nouveaux arrivants en fit des mercenaires obligés de la cité Tépanèque d’Azcapotzalco. Le second Uey Tlatoani, Huitzilihuitl (régnant de 1396 à 1417), dut rendre de bons services puisqu’en plus de terres il obtint la main d’une des filles de Tezozomoc d’Azcapotzalco. L’avènement dans cette dernière cité du tyran Maxtla en 1427 faillit briser leur essor, car ce dernier fit assassiner le troisième orateur vénéré, Chimalpopoca (1417-1427) qui avait aidé à la conquête des Chichimeca de Texcoco. Par un heureux renversement de situation, le nouveau roi aztèque Itzcoatl (1427-1440) obtient le concours de Texcoco et d’une partie de la noblesse Tépanèque pour supprimer à son tour Mixtla en 1429. Les anciens ennemis ou oppresseurs des Mexica purent désormais être traité sur un pied d’égalité : la triple alliance Tenochtitlan, Texcoco, Tlacopan (vassale Tépanèque d’Azcapotzalco, appelée Tacuba par les Espagnols) était née. Désormais toute guerre entreprise par l’un des trois souverains entraînera un soutien logistique et en hommes des membres de l’alliance et un partage du butin et des tributs imposés à ses adversaires vaincus (2/5 pour Tenochtitlan, 2/5 pour Texcoco, 1/5 pour Tlacopan). Sous l’impulsion du Uey Tlatoani suivant, Motecuzoma Ilhuicamina Ier (1440-1469) de vastes opérations militaires sont entreprises, notamment chez les Otomis (1441-1449), les Totonaques et les Huaxtèques (1455-1457), et les Mixtèques (1458). On peut dater de son règne la véritable création d’un « empire » aztèque, encore qu’il ne faille pas y voir la soumission totale et l’assimilation de peuples de plus en plus lointains, mais l’extension d’une influence culturelle et d’un système économico-militaire prédateur sous forme de tributs en biens et en hommes. Pour tous les peuples de la Méso-Amérique, la pratique du sacrifice humain était liée à la croyance qu’il fallait régénérer la course du soleil et apaiser les dieux par le don de « l’eau précieuse », le sang humain. Sous le règne de Motecuzoma, une crise de subsistance meurtrière et sans précédent (cinq années consécutives de gel et de sécheresse de 1450 à 1454) va amener une solution inimaginable à la pénurie d’hommes à offrir en sacrifice : la faiblesse passagère des Mexica et de leurs alliés interdisant des expéditions lointaines, le Ciuacoatl Tlacaelel, frère de l’empereur, propose aux voisins immédiats des aztèques une guerre simulée destinée uniquement à faire des prisonniers. La Xochiyaoyotl (« guerre fleurie » schotchiyaoyotl) était née entre la triple alliance et les cités de Tlaxcala, Huexozingo et Cholula, qui seront désormais désignés comme « les ennemis de la maison ». Les Mexica, une fois l’abondance revenue, poursuivront tantôt de nouvelles guerres fleuries, tantôt des guerres de conquête contre eux : le ressentiment des Tlexcalteca sera d’autant plus fort qu’ils sont considérés comme un vivier humain et isolés par un blocus commercial impitoyable. Axayacatl (1469-1481) annexa Tlatelolco, jusqu’alors indépendante, qui devint le quartier commercial de Tenochtitlan. Il soumit les Mazahuas, les Matlazincas et les Otomis de la vallée de Toluca mais subit un grave revers face aux Tarasques. L’empereur suivant, Tizoc (1481-1486) fut vraisemblablement empoisonné du fait de ses revers militaires bien qu’il fit la conquête de Tuxpan et de Yanhuitlán. Ahuitzol (1486-1502) lui succéda, amenant l’empire à son extension maximale par des expéditions chez les Mixtèques, les Zapotèques, les Totonaques et les Mayas du Chiapas : 38 provinces tributaires de l’atlantique au pacifique ! Motecuzoma Xocoyotzin II (1502-1521) renforça la prédominance aztèque sur les territoires tributaires, ébauchant une politique nouvelle de colonisation. Il voulut affirmer la domination des Mexica sur la triple alliance en s’autoproclamant Cem Anahuac Uey Tlatoani (« Orateur Vénéré du Cœur du Monde Unique »), cependant Nezahualpilli le brillant souverain de Texcoco sut préserver l’autonomie de sa cité. En 1515, une campagne d’annexion des Tlaxcalteca échoua. La haine entre les deux alliances était donc à son paroxysme lorsqu’en 1519, une poignée d’espagnols menés par Hernan Cortes débarquèrent sur la côte Totonaque. Leur route vers Tenochtitlan passait par Tlaxcala, ce ne fut pas sans conséquence pour l’avenir de l’empire aztèque… En attendant un prochain Carnyx où je vous conterai en détail cette rocambolesque conquête, intéressons nous maintenant aux raisons qui ont fait des aztèques de fabuleux guerriers.

La société :

L’ensemble de la société aztèque est hautement hiérarchisé, mais la promotion sociale existe par un seul moyen : la vaillance au combat. Il est possible au plus pauvre d’accéder à la noblesse par sa bravoure. On trouve, dans l’ordre d’importance :

La noblesse, qui est divisée en trois sous groupes :

  • l’empereur et sa famille, les deux premiers calpulli du premier district, qui se partagent les plus hautes fonctions civiles et militaires, voire religieuses
  • les Tetecuhtin « chefs » (au singulier Tecuhtli) des neuf calpulli restant des deux premiers districts. Seuls les plus brillants d’entre eux obtiennent des charges administratives ou militaires d’importance, au niveau de la capitale ou provincial. Dans leur rang se trouvent aussi les prêtres supérieurs.
  • les Pipiltin « fils de seigneurs » (au singulier, Pilli), chargés des tâches administratives ou militaires subalternes ou locales. Ils forment également les prêtres de second rang. Ils ont cependant accès au conseil de l’Orateur Vénéré et participent à son élection. Ils gèrent les terres attachées à leur office, ainsi que des terres leur appartenant en propre.

La noblesse est la seule à se partager les terres conquises, ses enfants ont droit à une école supérieure le Calmecac (où on enseigne le chant, les danses rituelles, l’écriture et les tactiques militaires). La noblesse est héréditaire mais peut être enlevée faute de mérites ou de compétences. De même, un comportement exemplaire est attendu d’elle : l’ivresse, le vol ou l’adultère sont punis de mort pour les nobles. Maltraiter les citoyens inférieurs pouvait conduire un noble à la mort ou à l’esclavage. Un des privilèges de la noblesse est de porter des bijoux ou des vêtements luxueux descendant en dessous des genoux, ce qui est interdit au reste de la population.

Une classe intermédiaire, quasiment hors système, comprenant :

  • les Pochteca, commerçants itinérants menant des expéditions lointaines pour fournir des produits exotiques ou de luxe. Ils s’enrichissent énormément au fur et à mesure des conquêtes, mais ne peuvent en porter de signes extérieurs.
  • les Tolteca, organisés en corporations comme les plumassiers, les joailliers, etc… Ils sont employés directement par l’état.

La classe des citoyens libres, écrasante majorité de la population :

  • les Macehualtin (masséoualtine, au singulier Macehuali) sont les vrais héritiers de l’ancien système des calpulli, partageant des terres communes, souvent les seuls chinampa. Ce sont les agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, carriers, etc… Leurs enfants n’ont droit qu’à une école élémentaire, le Telpochcalli (où on enseigne les bases du chant, des danses, des tactiques militaires mais pas l’écriture). Un revers de fortune peut les conduire à rejoindre la classe inférieure, se vendre en esclavage où à offrir un des leurs en sacrifice. Ils doivent à la communauté des corvées et le service militaire, ils forment l’épine dorsale des armées aztèques.
  • les Mayeque (« les bras de la terre ») sont ceux qui ne possèdent pas de terre, n’étant pas attachés à un calpulli mais serfs ou employés domestiques des nobles, généralement sur les propriétés gagnées par la conquête. Ce statut peut aussi correspondre à une déchéance civile à l’issue d’une condamnation pour ivresse, ou au surendettement. Ils sont tenus aux corvées et au service militaire, mais ce dernier ne relève pas de la conscription, il dépend du noble auquel ils sont rattachés.

La dernière classe de la population est formée des Tlacotin (au singulier, Tlacotli), les esclaves.

Ce sont des prisonniers de guerre qui n’ont pas été sacrifiés, des aztèques s’étant vendus eux-mêmes pour rembourser une dette, des gens condamnés pour des crimes mineurs (exemples : la prostitution, l’homosexualité, etc…). D’origine Mexica, ils gardent toujours la possibilité de se racheter et peuvent être affranchis s’ils ont subi des mauvais traitements de leur maître. Même un esclave étranger qui s’enfuit du marché aux esclaves et parvient à atteindre le palais de l’empereur est affranchi, toute autre personne que son maître ayant gêné sa fuite peut être condamnée à l’esclavage à sont tour ! Seuls les esclaves les plus indignes ou fainéants peuvent être achetés pour un sacrifice par les corporations n’ayant pas la possibilité de faire des prisonniers de guerre, comme les Pochteca. Encore faut-il avoir été renvoyé par trois maîtres différents… Leurs enfants ne naissent pas esclaves mais libres comme Mayeque : la conception aztèque de l’esclavage est donc radicalement différente de celui pratiqué dans toutes les autres sociétés connues. Les esclaves ne sont pas tenus au service militaire, autant pour raison de sécurité que parce que la guerre est le moteur de la promotion sociale.

La guerre :

La guerre est omniprésente dans la vie des aztèques, qu’il s’agisse de fournir à leurs temples les sacrifices dont les dieux ont besoin sans s’aliéner leur propre population ou qu’il s’agisse de gérer la surpopulation récurrente de la vallée des lacs. S’ils avaient eu une conception « occidentale » de l’économie et de la guerre, leurs conquêtes auraient permis par la colonisation et l’exploitation des vaincus de faire face aux crises de subsistance et de stabiliser leur population. Mais le système tributaire qu’ils ont préféré les obligeait à accroître sans cesse leur sphère d’influence aux dépens de peuples d’autant plus enclin à se rebeller qu’ils n’y laissaient pas de garnisons et que des expéditions lointaines gênaient leur propre agriculture en détournant leurs paysans soldats de leurs terres. L’exemple en 1495 de l’expédition d’Ahuitzol au Xoconochco en est l’illustration : pour soumettre cette contrée, l’armée Mexica doit traverser les terres des Mixtec de l’Oaxaca qui ont été soumis au tribut depuis 1458. A son retour, l’armée victorieuse mais éprouvée tombe dans une embuscade qu’elle décide de venger par le siège de la forteresse de Guiengola. Sept mois ont raison des assiégeants affamés, assoiffés et malades, souvent attaqués dans leur propres retranchements. Ahuitzol ne s’en sort qu’avec la promesse d’un mariage entre le souverain Mixtèque Cocijoeza et une de ses filles, accompagnée d’un allègement du tribut !

Ainsi, parce qu’une noblesse prédatrice a besoin de renouveler sans cesse les conquêtes pour justifier et entretenir ses privilèges,  l’homme libre aztèque ne peut échapper à la guerre. A sa naissance, le nouveau-né entend de la sage-femme un discours rituel dans lequel il lui est expliqué qu’il est né pour souffrir et se battre pour la gloire de sa cité. Son cordon ombilical est d’ailleurs enroulé autour d’un bouclier miniature qui devra être enterré par un guerrier de son quartier sur le prochain champs de bataille ! Dès le Telpochcalli (« maison d’édification de la force »), l’école élémentaire, on lui enseigne le maniement des armes et la manœuvre au son des tambours de guerre sous les bannières de plumes qui distinguent son groupe de combat de 20 hommes, son  régiment de 400 hommes ou son Xiquipilli de 8.000 hommes. L’apprentissage des armes n’est pas aisé, le propulseur de dards Atlatl demandant de longues heures de pratique avant d’obtenir puissance et précision : il permet toutefois de multiplier par 20 la force du lancer. Son instructeur, un guerrier vétéran du quartier, l’entraîne dans des courses épuisantes et le pousse dans ses derniers retranchements pour assurer la cohésion du groupe et la discipline. L’usage de l’arc, Tlauitolli, n’est pas très répandu chez les Mexica, à la différence des Tlaxcalteca, mais la fronde a beaucoup de succès. Une lance courte, appelée Tepoztopilli, est également en usage. Le jeune apprend surtout à se servir d’un maquahuitl, sorte d’épée en bois, dont les tranchants de pierre obsidienne ont été remplacés par des plumes. Bien qu’un témoignage digne de foi montre que le maquahuitl était capable de trancher une tête de cheval (au cours de la bataille d’Otumba contre les espagnols, bien sûr, car le cheval était inconnu en Amérique), c’était une arme conçue pour blesser plutôt que pour tuer : on se servait du plat de l’arme lorsqu’il s’agissait de faire des prisonniers. En ce qui concerne l’équipement défensif, un petit bouclier rond, le chimalli, est systématiquement utilisé. 

On commence sa carrière militaire vers 17 ans. Le jeune n’ayant pas encore participé à un combat porte une mèche de cheveux sur la nuque, le cuexpalchicacpol, qu’il n’aura droit de couper qu’après sa première capture. Qu’il échoue à cette tâche après plus de deux combats et il sera rayé des conscrits de son calpulli à la grande honte de ses proches. De fait, les Yaoquizque « novices » peuvent s’associer à plusieurs pour capturer leur premier ennemi, chose qui serait infamante pour un guerrier confirmé. Lorsqu’ils sont parvenus à faire un captif, les novices accèdent au rang d’ Iyac : ils ont droit de peindre leur visage en rouge et jaune et peuvent désormais porter l’Ichcahuipilli, une veste matelassée en coton ou en fibre de cactus maguey, durcie dans la saumure. Sans manche et s’arrêtant à la taille, cette « armure » légère est parfaitement adaptée au climat mexicain : blanche ou écrue, elle est portée telle quelle par la majorité des guerriers mexica de ce rang. Avec deux captifs, le guerrier accède au rang de Cuextecatl. Il porte alors par dessus son Ichcahuipilli un costume d’une seule pièce à manches longues et lié dans le dos, appelé Tlahuizli. De couleur rouge, il est accompagné d’un bonnet conique qui rappelle la victoire de Motecuzoma Ier sur les Huaxteca. A la troisième capture, il devient Otomitl et peut porter un ornement en forme de papillon dans son dos. Avec quatre prises, les guerriers sont Tequiua, c’est à dire qu’ils obtiennent une part du tribut (tequitl) qui sera exigé de l’ennemi, ils peuvent désormais orner leur bouclier du symbole de leur nom. Avec quatre prisonniers, on devient Colotic Chichimecatl « chevalier jaguar » avec un Tlahuitzli qui imite le pelage tacheté de cet animal ou Cuauh Chichimecatl « chevalier aigle » avec un Tlahuiztli recouvert de plumes brunes. Le premier ordre, celui des jaguars, est accessible à l’ensemble de la population libre : il est dédié au dieu solaire Tezcalipoca. Le second, celui des aigles semble réservé à la noblesse (controverses entre historiens) et est dédié à Huitzilopochli, le dieu principal des Mexica : il serait réservé aux combats nocturnes ou de l’aube, donc aux expéditions furtives. Au cinquième captif, le guerrier peut porter un Tlahuitzli recouvert de plumes vertes et une bannière dorsale Xopilli. Les guerriers réussissant une sixième prise ont droit à un Tlahuiztli de plumes jaunes ou rouges et un casque de coyote. Les guerriers vétérans, de plus de 22 ans, qui souhaitent rester en permanence dans l’armée se voient offrir une promotion en tant qu’officier ou rejoignent les Cuachique (singulier Cuachic), troupes de choc des Mexica. Portant un Tlahuiztli jaune distinctif, il ont une coupe de cheveux particulière à l’iroquoise (crane rasé avec un crête au sommet et quelques bandes sur le côté). Il est à noter que les captures donnant droit à un avancement doivent concerner un ennemi de rang égal ou supérieur, mais que le Uey Tlatoani peut accorder une promotion plus rapide pour un acte de bravoure exceptionnel. L’existence de l’ordre des « chevaliers flèches » pour les archers faisant preuve d’une précision remarquable est contestée, s’agissait-il d’une vraie classe de guerriers ou juste d’une distinction, avaient-ils une affectation spéciale à la garde du Tlacochocalcatl (le « préposé à la maison des dards » qui assure l’armement des armées) ? Les officiers, dont on ne connaît pas le nom des grades, portent des bannières et ornements distinctifs complexes et variés et s’aident de signaux visuels et musicaux pour diriger leurs troupes.

Les prêtres pouvaient également combattre. Leur costume évoluant aussi selon le nombre de captures ne pouvait ressembler à celui des autres guerriers puisqu’il avait une signification religieuse. Pour deux captifs, un Tlahuiztli blanc et un ornement dorsal simple. Pour trois, un Tlahuiztli vert et un pamitl, drapeau aux bandes rouges et blanches surmonté d’un panache de plumes de Quetzal vertes. Pour quatre, un cuextecatl semblable à celui des Iyac mais noir à points blancs représentant des étoiles. Pour cinq,  un Tlahuiztli rouge avec un ornement dorsal en plumes rouges de perroquet. Pour six, le Tlahuitzli rouge ou jaune et le casque de coyote.

Quels étaient les effectifs et les tactiques des armées aztèques ? Lorsqu’on sait que leur capitale, Tenochtitlan, comptait entre 200.000 et 400.000 habitants (les historiens ne s’accordent qu’à estimer que la cité est au moins cinq fois plus peuplée que les villes européennes de l’époque…) et que 38 provinces étaient tributaires représentant 25 millions d’habitants, on admettra que les effectifs pouvaient au besoin être énormes ! Une armée de 300.000 hommes, dont 100.000 Mexica, aurait ainsi participé en 1458 au siège des Mixtèques de Coixtlahuaca. Toutefois un tiers de cette masse était constituée des porteurs et des ligoteurs-égorgeurs, chargés d’achever les blessés graves et d’emmener les prisonniers à l’arrière du champ de bataille… Ce qui permet de supposer que les Mayeque, lorsqu’ils sont présents, n’ont avec les volées d’insultes puis de projectiles initiales qu’un rôle subalterne au combat. Avant la bataille, il est en effet de tradition d’insulter l’ennemi et on assiste parfois à des scènes de tortures horribles de ses civils, sensées le décourager. Sur le terrain, les guerriers sont répartis en groupes de combat et en unités dépendant de différents corps, mais jamais ils ne sont séparés de leur calpulli. Ce qui signifie que toutes les classes de guerriers sont mélangées à tous les niveaux tactiques, et que les plus expérimentés soutiennent les novices. On ne retrouve donc pas d’unités exclusivement composées de Cuextecatl, d’Otontin (pluriel d’Otomitl) ou de chevaliers jaguar ou aigles, comme l’ensemble des règles de jeu d’histoire avec figurines existantes les traitent ! Au début du combat les Cuextecatl, voire les différents Tequiua, sont souvent au premier rang pour que le choc initial soit plus fort. Après une quinzaine de minutes d’un combat harassant qui a tourné en une multitude de duels et où tous les guerriers sont intervenus indifféremment de leur rang, des troupes fraîches gardées en réserve relaient les points faibles du dispositif ou renforcent les endroits où l’ennemi cède pour emporter la victoire. Cela suppose une coordination que seule une armée de régulier peut atteindre, bien que le type de lutte, hautement individuelle, corresponde à celle menée par des irréguliers dans d’autres nations : on comprend mieux la difficulté de classer les aztèques lorsqu’une règle de jeu avec figurines autorise des affrontements non historiques… L’armée Mexica est parée à toute les éventualités, ainsi le siège de Tutupec débute à la plus grande surprise des ennemis alors qu’en une nuit les aztèques ont pu construire une flotte de radeaux pour franchir la rivière qui les avait arrêtés. A Quetzaltepec, ils creusent des galeries pour atteindre la cité après 6 jours de combats, alors que l’ennemi les croit réfugiés derrière des retranchements. La guerre de déception est également menée, avec de multiples feintes. Ainsi, en 1430, Itzcoatl souhaitant conquérir Cuitlahuac envoie une armée traverser en canoë le lagune voisine : croyant surprendre les Mexica lors de leur déploiement, les ennemis quittent la ville pour fondre sur eux. En fait ce ne sont que des enfants de moins de 12 ans, déguisés pour la circonstance, que n’atteindront pas guerriers de Cuitlahauc, surpris en désordre par l’armée régulière aztèque masquée dans le marais… Durant une bataille contre Chalco, une nouvelle fausse armée de jeunes laisse croire que l’assaut principal se fera sur leur flanc droit, lorsqu’ils se déplacent en conséquence leur flanc gauche affaibli reçoit un terrible impact qui leur sera fatal. Face aux Huaxtec en 1454, Motecuzoma Ier utilise une autre feinte : ayant dissimulé 2.000 cuachique dans des tranchées ou trous individuels et fait retraiter dans une panique simulée le centre de son armée, il entraîne dans le piège une partie des 100.000 ennemis, qui seront défaits par ce coup décisif…

En conclusion, l’armée aztèque fut d’une redoutable efficacité du fait d’une culture guerrière indissociable de sa société, de sa religion et de l’économie tributaire dont elle est le fondement. Toutefois, l’impossibilité d’envisager une guerre totale débouchant sur l’annexion de territoires, un code de l’honneur rigide rendant la capture de prisonniers primordiale et le combat une affaire individuelle, empêchèrent les Mexica d’apprécier la menace espagnole à sa juste valeur. Pas plus que les alliés de ceux-ci, d’ailleurs, que la chute de la Triple Alliance ne rendirent pas libres : sur les 25 millions d’habitants du « monde unique », il n’en restait plus que 11 millions vingt ans après du fait des combats, des maladies importées, de l’effondrement des échanges et de la brutale exploitation espagnole. En terme de jeu, l’armée aztèque souffre de l’ambiguïté du classement entre réguliers et irréguliers, de la séparation inadéquate des différentes classes de guerriers et d’une méconnaissance fondamentale du rôle mineur joué par les Mayeque : on a eu trop tendance à considérer la masse des combattants comme des levées de paysans non préparés au combat à l’image des armées occidentales contemporaines.

Les principales batailles de la période Sengoku, par David Coulon et Fred Devaux

Batailles Dates Adversaire 1 Adversaire 2 Vainqueur
OKEHAZAMA 22 Juin 1560 Imagawa Yoshimoto

25.000 hommes

Oda Nobunaga

3.000 hommes

Oda Nobunaga
4e KAWANAKAJIMA 10 Septembre 1561 Uesugi Kenshin

15.000 hommes

Takeda Shingen

20.000 hommes

Takeda Shingen
CHATEAU TODA 17 Avril 1565 Le clan Amako12.000 hommes Le clan Mori

26.000 hommes

Match Nul
ANEGAWA 22 Juillet 1570 Asakura Yoshikage

18.000 hommes

Oda Nobunaga et Tokugawa Ieyasu

23.000 hommes

Oda Nobunaga
MIKATA-GA-HARA 22 Décembre 1572 Takeda Shingen

27.000 hommes

Tokugawa Ieyasu

11.000 hommes

Takeda Shingen
NAGASHINO 29 Juin 1575 Katsuyori

15.000 hommes

Oda Nobunaga

32.000 hommes

Oda Nobunaga
MIMIGAWA 11 Novembre 1578 Otomo Sorin

50.000 hommes

Shimazu Yoshihisa

3.000 hommes

Shimazu Yoshihisa
YAMAZAKI 13 Juin 1582 Hideyoshi

32.000 hommes

Akechi

16.000 hommes

Hideyoshi
SHIZUGATAKE 20-21 Avril 1583 Hideyoshi

10.000 hommes

Shibata Hideyoshi
NAGAKUTE 17 mai 1584 Tokugawa Ieyasu

10.000 hommes

Ikeda9.000 hommes Tokugawa Ieyasu
PONT D’HITODORI 17 Novembre 1585 Date Masamune

7.000 hommes

Hatakeyama et alliés

30.000 hommes

Date Masamune
SURIAGEHARA 5 Juin 1589 Date Masamune

23.000 hommes

Ashina

16.000 hommes

Date Masamune
CH’UNGJU 27 Avril 1592 Konishi

15.500 hommes

Shin-Nip (Corée)

16.000

Konishi
SEKIGAHARA 21 Octobre 1600 Tokugawa Ieyasu

75.000 hommes

Ishida Mitsunari60.000 hommes Tokugawa Ieyasu
DOMYOJI 6 Mai 1615 Goto Mototsugu

2.800 hommes

Date Masamune

23.000 hommes

Date Masamune
TENNOJI 7 Mai 1615 Tokugawa Ieyasu

155.000 hommes

Hideyori

74.000 hommes

Tokugawa Ieyasu

Les spécificités de la guerre au XVIII ème siècle, par Gilles Boué

Bataille de Fontenoy de Henri Félix Emmanuel Philippoteaux (1815-1884, France)

Les réflexions qui suivent n’ont aucunement valeur absolue mais sont les prolégomènes nécessaires selon moi, à toute approche de la guerre au 18ème siècle. Ces réflexions s’organisent autour d’une problématique simple ; comment distinguer la guerre au 18ème siècle de la période napoléonienne ? Pour y répondre, j’étudierai tout d’abord la structure du commandement supérieur puis les trois armes.

Le commandement des armées au 18ème siècle est le fait de deux groupes socialement distincts : noblesse de Cour et noblesse d’épée (voire noblesse de cloche). La direction stratégique des armées est le fait du souverain, quand celui ci montre des aptitudes, il commande en campagne (Frédéric II de Prusse en est le plus fameux exemple) sinon, on assiste à la direction de la campagne par la Cour avec des lettres du souverain aux Maréchaux commandant sur place. Cette stratégie de Cour sera dénoncée comme une des principales fautes de conduite de la stratégie française pendant la « Guerre de 7 ans « .  Quand le Roy de France est aux armées , les ordres sont donnés en son nom mais il ne fait que suivre l’avis du Maréchal commandant ou des officiers supérieurs . A Fontenoy, Louis XV se fera remarquer par sa prudence et y gagnera le surnom de « Louis Du Moulin » après s’être mis à l’abri devant l’avancée de la colonne de Cumberland derrière un moulin.  Depuis la défaite d’Oudenaarde en 1706, les princes de sang ne sont plus bien vus aux armées alors que chez les Autrichiens ou les Prussiens les familles régnantes fournissent des officiers efficaces ou tout du moins obéissants  .  En France, le Ministre de la guerre joue un rôle clef dans les décisions touchant l’administration des troupes et leur ravitaillement, il se mêle aussi par le biais de la correspondance des affaires purement opérationnelles, créant ainsi un niveau supplémentaire de perplexité pour le commandement opératif. Toujours à Versailles sous le Bien Aimé, ses maîtresses se mêlaient plus que nécessaire des affaires du royaume et le Maréchal de Soubise fut  vécu par l’armée comme le jouet de Mme de Pompadour. Les courriers de la Cour, du Conseil d’en haut, du Ministre utilisaient à plein les services du secrétariat aux dépêches. La série « Mémoires et correspondances » Ancien Régime du SHAT est particulièrement riche de ces missives croisées entre Versailles et les armées.

 Chez les Habsbourg, c’est le « conseil Aulique » qui prend les décisions en présence du souverain, ce conseil est formé des Maréchaux et de hauts dignitaires civils. Au niveau opératif, ce sont les Maréchaux ou Généraux qui dirigent les opérations conformément à la stratégie définie dans les chancelleries. Ce décalage, lié à la lenteur des communications et à la méconnaissance des réalités du terrain, est un des traits principaux de la conduite des guerres à l’époque moderne.

Maréchal de Saxe (1696-1750) par Quentin de La Tour vers 1748, Musée de la Vie Romantique, Paris

Les Maréchaux issus pour la plupart, de la noblesse de cour, sont plus souvent que l’on veut bien le croire des officiers blanchis sous le harnais qui connaissent le métier mais qui servent avant tout leurs intérêts vis à vis du Souverain. Pour des  officiers efficaces comme le Maréchal de Saxe ou Loudon, on a beaucoup d’incompétents de bonne volonté mais de capacités médiocres. La principale faiblesse dans la conduite des opérations esT l’absence d’un corps d’Etat Major permanent, entraîné et formé.  Cela se traduit par une lenteur extrême dans la transmission des ordres en campagne et sur le champ de bataille. Le corps des officiers se caractérise par son courage certain et son ignorance. La promotion se fait à l’ancienneté ou par choix du Souverain  mais cela ne suffit pas, il faut encore acheter sa charge d’officier  et surtout l’unité qui va avec. D’où le nombre important d’officiers « à la suite », qui possèdent le grade mais pas la charge attenante. Cette façon de faire renforcera le sentiment d’injustices des officiers servant réellement vis à vis des officiers par naissance dont les parents riches courtisans achètent charges et unités à leur progéniture. De nombreux Majors et Lieutenant- Colonels n’atteindront jamais les responsabilités que leurs talents et leur courage leur laissaient seulement entrevoir. En France, d’après les travaux d’André Corvisier et de Jean Chagnot, le prix moyen d’une compagnie est de 5 à 7000 £ pour un régiment sans prestige et il n’y a pas de limite supérieure pour acheter les Gardes Françaises (plusieurs millions de £) petit rappel, on estime qu’une journée de travail d’un ouvrier parisien est payée 1 £ . Vous trouverez chez Christopher Duffy, tous les renseignements nécessaires concernant les Prussiens et les A.

Prussian Infantry attacking in lines during the Battle of Hohenfriedberg.(Nach einem Gemälde von Röchling, aus:Svensen, Konungarnas tidehvarf, Norrköping 1913)

L’Infanterie, reine des batailles et cheville ouvrière des armées du 18ème siècle représente la majorité des troupes. Ce qui distingue ces unités c’est le fait que cette époque est celle des armées professionnelles, c’est la révolution qui introduira définitivement (loi Jourdan de 1798) la conscription au nom du principe de l’égalité. Les soldats sont donc des volontaires à l’exception des milices et autres yeomanry ou Kreis , dans lesquels servent des soldats tirés au sort suivant des règlements précis. Le plus souvent, ces unités de milice ne peuvent servir que sur le territoire ou dans les garnisons, l’exception du service en campagne n’est acceptable que dans le cas de défaites qui  réduisent l’armée réglée à la portion congrue : ex : création des grenadiers royaux à partir des compagnies de grenadiers de milice en France pendant la WAS, incorporation des régiments de garnison dans les armées de campagne après 1758 en Prusse, les levées hongroises de 1744 etc.. Les unités d’infanterie sont de taille variable ; plus de 1500 hommes par régiment au début des campagnes jusqu’à plus rien du tout : d’où la célèbre anecdote (apocryphe probablement) du régiment « Agenois » réduit à un seul homme revenu de la « Guerre de 7 ans » qui défila  seul devant le Roy pendant trois ans.  Les régiments sont divisés en bataillons qui sont plus des entités administratives que des unités de combat. La marche se fait en colonne et la bataille se donne en ligne. Il faut bien comprendre que si à partir de 1760 se lance le grand et long débat sur l’ordre profond et mince (Folard, De Saxe et Guibert), c’est d’abord une vue théorique de la guerre. La « colonne »  anglaise de Fontenoy n’a jamais livré son secret. Le puissance de l’infanterie réside dans deux caractéristiques : délivrer le feu le plus fourni et le plus longtemps possible et l’improbable passage des lignes que ce soit vers l’avant ou plus difficile encore vers l’arrière. Les Prussiens et leur règlement mécanique semblent avoir été les seuls (et pas toujours avec succès) à réussir ces tours de force, ils étaient réputés pour  pouvoir soutenir une cadence de feu inégalée en tirant « à la seringue » c’est à dire à la hanche sans viser , droit devant soi. Le système de feu des Anglais par peloton n’était que l’adaptation progressive des techniques de feu des Hollandais, reprises par les Suédois de Charles XII puis par les Hanovriens. Les manœuvres complexes des bataillons, les combats de tirailleurs ne sont pas de cette époque.  Hormis peut être pour ces derniers sur les théâtres lointains comme les « quelques arpents de neige » du nouveau monde.

Trompète, Régiment de cavalerie Chabrillant, France 1745, Rousselot

La cavalerie, arme noble par excellence ne connaît pas de révolution fondamentale au 18ème siècle. La WSS a vu le développement des Hussards et des Dragons pour la « petite guerre », on charge toujours plus ou moins bien et avec des résultats plus ou moins efficaces, la cavalerie anglaise a bonne réputation mais est peu nombreuse, la cavalerie prussienne à partir de 1750 est excellente mais est régulièrement mise en échec par la nombreuse cavalerie autrichienne quant à nos « maîtres », ils se caractérisent par une belle inconstance, capacité remarquée et remarquable  de subir des pertes sans broncher et charges molles ou mal à propos (Minden). La cavalerie se divise toujours en catégories identifiables par des uniformes plus ou moins flamboyants : Cuirassiers chez les Prussiens, Autrichiens et autres principautés d’Europe centrale, cavalerie de ligne (avec ou sans plastron) et Dragons (qui perdent souvent leur rôle de fantassins montés) puis les Hussards chargés de la « petite guerre ».  Si les Français se distinguent au niveau de la cavalerie c’est par l’audace de nos troupes légères, compagnies franches mixtes de fantassins et Dragons ou Chasseurs (relire  Sapin Lignières).

L’artillerie est l’arme savante pas toujours distincte du génie. Ce qui la caractérise c’est un corps d’officiers extrêmement pointu aidé de bas officiers formés au pointage et au tir. Les simples servants sont suivant les pays soient des soldats spécialisés (Royal artillerie en France) soit des simples soldats d’infanterie aidant à la manœuvre et aux tâches les moins techniques (transport des munitions et mise en place des pièces : Autriche entre autres). Les pièces de canon ne seront standardisées que dans le dernier tiers du 18ème siècle . La véritable révolution des systèmes Vallières et Gribeauval tient plus dans l’utilisation de nouveaux alliages de bronze et de techniques de fonte plus performantes ( utilisation du charbon)  permettant des pièces plus légères que dans une standardisation qui était déjà dans l’air depuis les premiers mousquets. Donc, les pièces sont lourdes, difficilement manœuvrables sur un champ de bataille. L’artillerie volante de Frédéric II est une véritable innovation appelée par le Maréchal de Saxe dans ses « Rêveries ». Le rôle de l’artillerie est d’appuyer les attaques générales en les préparant  (Kunersdorf) ou de défendre des points importants du champ de bataille (Fontenoy). L’artilleur recherche l’enfilade des longues lignes déployées (Minden) par des batteries regroupées pour la circonstance. Le canon est d’abord l’arme des sièges.

Photo extraite d’une partie de Koenig Krieg jouée au club « Devon Wargames Group » en 2013

Pour un joueur de jeux de simulation, l’erreur serait d’essayer d’utiliser ses troupes dans une optique interarmes trop napoléonienne. Ce qui montrera la qualité d’une règle c’est justement la difficulté à arriver à cette coopération anachronique. Cependant, a contrario, c’est justement l’utilisation combinée des forces qui permettra les plus belles victoires.

Gilles Boué